Le tacot du Morvan |
A
la fin du XIXème siècle, quand ont été
développés les grands réseaux de chemin de fer d'intérêt
général, est née l'idée d'un second réseau
d'intérêt local. Les réseaux nationaux à voie "normale"
(c'est à dire d'un écartement de 1,44 m), comme le P.L.M.Paris
Lyon Méditerrannée,
ancien réseau de chemin de fer dans la région,
avaient pour mission de relier les villes entre elles et surtout les préfectures
et sous-préfectures à Paris. Le Morvan était contourné
par deux lignes du P.L.M. : Avallon - Saulieu - Autun au nord
et Clamecy - Corbigny - Cercy-la-Tour au sud. Un embranchement situé
entre Corbigny et Cercy-la-Tour permettait d'atteindre Château-Chinon
(sous-préfecture et donc seule ville du Morvan desservie par le réseau
d'intérêt général).
L'idée d'une ligne d'intérêt local desservant le Morvan
a fait son chemin à l'époque parmi les autorités et personnalités
influentes de la Nièvre. Elle devait désenclaver le massif en
facilitant l'accès au réseau P.L.M. L'utilisation d'une voie
étroite (1 m d'écartement) permettait de réduire très
sensiblement l'importance des terrassements et des ouvrages d'art et par conséquent
le coût des travaux dans une région au relief accidenté.
Le but principal était d'assurer l'acheminement des marchandises vers
le Morvan, mais surtout de faciliter le transport du bois (le bois sec étant
vendu plus cher que le bois flotté),
du granit ou des différents produits du Morvan vers le réseau
ferré ou fluvial. En complément elle devait transporter des
voyageurs en leur permettant d'éviter les routes à la voirie
parfois incertaine.
Les
travaux furent entrepris dès la fin du siècle sur un tracé
reliant la gare P.L.M. de Corbigny dans la Nièvre à celle de
Saulieu en Côte d'Or. D'une longueur totale de 80 km la ligne passait
par Lormes, Ouroux et Alligny-en-Morvan. Une extension au-delà de Corbigny
vers Chitry-les-Mines permettait d'atteindre le canal
du Nivernais. La ligne était concédée par le département
à La Compagnie des Chemins de Fer de la Nièvre qui exploitait
et entretenait le matériel et les
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gares ou haltes.
Le 4 août 1901, le premier tronçon Corbigny - Lormes
- Ouroux était mis en service. Deux ans plus tard, le 1er
juillet 1903, la totalité de la ligne fonctionnait de Chitry-les-Mines
à Saulieu.
Tractés par des locomotives à vapeur, les trains comprenaient
des wagons pour les marchandises et des voitures de première et deuxième
classe pour les voyageurs. Quatre trains par jour circulaient dans chaque
sens entre Corbigny et Saulieu de 5 h à 19 h. Ils mettaient
environ quatre heures pour parcourir la ligne soit à une vitesse moyenne
de 20 km/h ! C'est pourquoi il était fréquent que, dans
les côtes, les voyageurs descendent et accompagnent (ou précèdent !)
le train sur quelques centaines de mètres. En 1935 un essai
d'automotrice
(ressemblant à un autocar sur rail) fut réalisé, mais
le tacot vivait déjà ses dernières années.
L'amélioration
de l'état des routes, le développement des transports par automobile
(et autocar) pour les passagers et par camion pour les marchandises, le coût
d'entretien des voies et du matériel, sans parler des accidents ont
conduit à la fermeture de la ligne après moins de quarante ans
de bons et loyaux services. Le dernier train quittait en effet la gare de
Corbigny le 15 mars 1939.
Le tacot a marqué durablement la mémoire et les paysages du
Morvan. La plupart des gares (comme
celle
de Lormes)
ont subsisté. Elles ont été vendues, transformées,
aménagées mais ont conservé leur allure inimitable (et
parfois le panneau avec le nom). Quatre-vingt ans après le passage
du dernier train, la toponymie en conserve quelques traces avec des "Rue
de l'Ancienne Gare" ou des "Café de la Gare".
Et n'allez surtout pas attendre le train à la "Gare de Brassy-Gâcogne"
indiquée cependant par plusieurs
panneaux
routiers
récents ! Le tracé de la ligne est encore visible en de
nombreux endroits sous forme de chemins ou
d'alignements
d'arbres
(comme à Lormes où elle contournait l'étang
du Goulot). Lors de la réfection de la route de Lormes aux Settons,
il y a une trentaine d'années, le nouvel itinéraire a repris
tout naturellement le tracé moins sinueux du tacot.
Un autre "tacot" a circulé entre Autun et Château-Chinon
de 1900 à 1936. La ligne à voie étroite desservait les
villages de La Celle en Morvan, Asnot, Arleuf et Fâchin. Aujourd'hui,
plus aucune ligne de chemin de fer ne pénètre dans le Morvan.
Le TGV sud-est le contourne par le nord. La S.N.C.F.Société
Nationale des
Chemins de fer
Français, qui a repris le réseau P.L.M.
en 1937, dessert encore à la périphérie les gares d'Avallon,
Clamecy ou Autun. La ligne Clamecy - Corbigny concédée
aux Chemins de Fer Economiques est sous perfusion et en sursis permanent.
La gare de Château-Chinon est fermée. Le progrès a encore
une fois oublié le Morvan !
Pour l'anecdote de 1901 à 1913 des études et de nombreuses réunions
ont été effectuées afin d'établir une ligne de
tramway électrique (!) entre Lormes et Avallon
passant par Chastellux
sur Cure. Pour des raisons inconnues elle n'a jamais été
réalisée.
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