Ne cherchez pas sur le calendrier, la Saint Cochon n'existe pas. Fête mobile située entre le 15 novembre et le 15 décembre elle était le prétexte à des repas incroyables.

Dans chaque ferme, un cochon choisi parmi les nichées de l'élevage avait été engraissé avec un soin peut-être un peu plus particulier que l'ensemble des pensionnaires destinés à la vente. Il était à cette époque de l'année sacrifié pour la consommation annuelle de la famille. C'était une belle bête, cent vingt à cent trente kilos de chair, de lard, de graisse. L'animal au jour fatal était tué par un spécialiste et la journée était occupée à découper le cochon. Il fallait préparer les jambons, pattes de derrière et épaules qui allaient être salés et, les jours suivants, mis à sécher pendant quelques temps et ensuite sous la protection de sacs en toile pendus aux poutres de la pièce commune à côté de ce qui pouvait rester de l'année précédente. Il fallait aussi faire fondre la "panne" grosse masse de graisse à l'intérieur de l'animal et qui donnait le saindoux. Versé encore chaud dans des pots en grès le saindoux était entreposé dans la resserre à côté de grands saloirs contenant le lard gras et maigre et le petit salé. La maîtresse de maison aidée par des parents ou des voisins s'affairait à fabriquer le boudin, les rillettes, le fromage de tête, le pâté. Elle faisait aussi pour utiliser les "griaudes", petits résidus de saindoux fondu, un pain légèrement brioché, truffé de ces petits lardons, excellent certainement, mais assez indigeste. Peu importe la fête était pour le dimanche suivant.

Repas au cours duquel il n'était servi que du cochon sous toutes ses formes. Chaque invité repartait avec quelques côtelettes, du boudin et du pâté. Comme les parents fermiers et les voisins se rendaient la politesse, on peut considérer que pendant un mois il était mangé du cochon tous les jours !

(Marie-Antoinette Lecomte, Le Passé-Simple)